圆明园就是他烧毁的

书竹随心过去 2025-03-28 03:48:39

À 8 kilomètres en avant de nos camps, je laissai un premier échelon,

composé de la section d'artillerie et du bataillon du 101e commandant Blot.

Les deux pièces furent placées de manière à pouvoir enfiler la route et à battre

en même temps le terrain à droite et à gauche. L'infanterie, embusquée dans

des jardins, offrait à l'artillerie et au reste des troupes un appui solide, s'il

devenait nécessaire de se replier.

Je continuai donc à marcher dans la direction de Pékin, avec les Sikhes, le

peloton d'artillerie et le bataillon de chasseurs à pied.

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Souvenirs du général Cousin de Montauban

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À 4 kilomètres environ du premier échelon, mes flanqueurs de droite furent

accueillis par un feu assez vif de mousqueterie.

C'étaient les vedettes tartares qui, au dire du colonel commandant la

reconnaissance anglaise, se repliaient dans la direction d'un camp que l'on

supposait devoir exister à droite de la route vers le Nord de Pékin.

Je fis arrêter le bataillon de chasseurs, après avoir défendu aux canonniers

à cheval de répondre au feu des Tartares. Le commandant de la Poterie prit

position au milieu d'un pâté de maisons, situées à droite et à gauche de la

chaussée, et il p.289 attendit, dans de bonnes conditions de défense, des

nouvelles de la cavalerie anglaise qui s'était portée en avant.

Au bout d'une demi-heure environ, le major qui commandait les deux

escadrons de Sikhes vint me prévenir que ses cavaliers étaient arrêtés près du

faubourg de l'Est et me demander de faire avancer jusque-là un bataillon

d'infanterie.

Le commandant de la Poterie vint prendre dans les premières maisons du

faubourg une position analogue à celle qu'il occupait précédemment en arrière.

Nous touchions donc enfin à cette ville si désirée, dont les murailles et les

portes monumentales se découpaient à l'horizon, à environ 1.200 mètres du

point où nous étions arrêtés.

Le colonel qui dirigeait la reconnaissance anglaise me demanda alors que le

bataillon de chasseurs stationnât sur le point où il était placé jusqu'à ce que les

Sikhes eussent poussé deux reconnaissances, l'une vers le sud de la ville, qui

lui semblait peu importante, l'autre vers le nord, où il pensait pouvoir

constater la présence des camps tartares.

Tout en déférant à sa demande, je lui fis observer qu'il me paraissait non

moins utile de chercher à voir de près l'enceinte même de la ville et je lui

proposai d'entrer dans les faubourgs. Il me refusa net et partit avec sa

cavalerie pour décrire son grand demi-cercle autour du point dont le bataillon

de chasseurs formait le pivot.

Je résolus de mettre à profit le temps assez long nécessaire à cette

opération, et, prenant avec moi le capitaine d'artillerie de Coatpont et 10

artilleurs, j'entrai dans le faubourg.

Nous traversâmes une rue large, bordée de maisons en bois, à façades

richement sculptées ; deux arcs de triomphe monumentaux s'élevaient à peu

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Souvenirs du général Cousin de Montauban

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de distance l'un de l'autre, environ vers le milieu du faubourg ; toutes les

maisons étaient fermées et la population, en apparence indifférente, mais très

nombreuse, était tenue avec peine à distance. Nous marchâmes ainsi jusqu'à

environ cent mètres de la porte.

Cette porte, dont la hauteur dépasse environ de moitié celle du mur

d'enceinte que j'évalue de 12 à 13 mètres, présente à sa partie supérieure

quatre rangées horizontales de douze embrasures, chacune ayant la forme des

sabords d'un bâtiment.

Les pièces, s'il y en a, ne sont pas apparentes et aucun défenseur ne se

montrait, ni dans cette espèce de caserne fortifiée, ni sur les murailles.

L'accroissement de la population et la présence de quelques cavaliers

tartares sur nos derrières, dans la rue adjacente à la chaussée, me forcèrent à

rétrograder.

Je sortis du faubourg, lentement, en bon ordre, sans avoir été inquiété ; la

reconnaissance des Sikhes rentrait en ce p.290 moment, sans avoir rien vu,

dans la pointe qu'elle avait poussée vers le sud, et se préparait à reconnaître

dans la direction du nord, mais le mouvement se faisait, chaque fois, en

dehors du faubourg.

Je résolus donc de faire une seconde tentative pour approcher aussi près

que possible du rempart.

Je me dirigeai avec MM. les capitaines Fœrster, Guerrier et 4 cavaliers sur

un point situé entre les portes de l'Est et du Sud. En cet endroit le faubourg,

beaucoup moins étendu, se compose de maisons abandonnées et de grands

bâtiments au milieu desquels on peut circuler facilement.

Au bout de 7 ou 800 mètres environ, nous vîmes la muraille à découvert,

mais, contrairement à ce qui avait eu lieu à la porte de l'Est, les créneaux se

garnirent de défenseurs armés de fusils de rempart ; sur une espèce de tour

carrée à notre gauche nous voyions deux pièces de canon. La muraille, en bon

état, paraissait avoir la même hauteur que celle de la porte de l'Est, et des

constructions en ruines en cachaient le pied.

Nous nous avançâmes jusqu'à 40 mètres sans que l'ennemi ouvrît son feu ;

cette longanimité de sa part était due à la répétition de la manœuvre qui

m'avait forcé de quitter le faubourg, et nous dûmes nous replier assez vite

devant le mouvement d'une quarantaine de cavaliers tartares qui essayaient

de nous couper le chemin.

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Je revins au bataillon de chasseurs et la reconnaissance des Sikhes vers le

Nord n'ayant trouvé qu'un parti de 200 cavaliers qui prirent la fuite, là où l'on

pensait trouver un camp considérable, nous rejoignîmes nos bivouacs.

En résumé, il résulte de la reconnaissance du 26 que la route est libre

jusqu'à Pékin, que les camps tartares, s'ils existent, sont derrière la ville ou

assez éloignés vers le Nord ; qu'aucun soldat n'occupe le faubourg de l'Est,

dans lequel on ne voit aucun préparatif de défense et que, si l'on ne veut pas

suivre jusqu'au bout la voie dallée qui aboutit à cette porte de l'Est, silencieuse

et de mauvais augure, on trouve, en descendant un peu au sud un point d'où

le mur se voit de loin à découvert ; les maisons en ruines qui y conduisent

semblent disposées pour abriter les tirailleurs qui feraient bientôt taire le feu

des créneaux, et les constructions établies jusqu'au pied des remparts

favoriseraient l'accès de la brèche.

Campenon.

Cependant, les négociations se poursuivaient, mais rien ne pouvait

en faire présager l'issue ; le 26 septembre, le p.291 baron Gros

m'écrivait en m'envoyant copie de sa réponse au prince Kong à sa

lettre sus-relatée :

Monsieur le général, j'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint copie de la

dépêche que j'ai adressée hier au prince Kong pour répondre à la dernière

communication qu'il m'a faite, et dont je vous ai déjà donné connaissance. La

réponse que lord Elgin a écrite à ce même commissaire impérial est identique

à la mienne, quant au fond du moins.

Il n'y a de changé dans la position actuelle qu'un temps d'arrêt volontaire,

qui suspend de fait, mais non de droit, les opérations militaires en voie

d'exécution, ce qui donne le temps aux armées alliées de recevoir les

approvisionnements de toute espèce dont elles peuvent avoir besoin, et le

droit d'hiverner à Tien-Tsin, si le gouvernement chinois, cédant sur tous les

points, les commandants en chef jugeaient convenable de prendre cette

mesure à l'expiration des deux mois pendant lesquels nous devons garder

cette ville comme gage, pour assurer le versement du million de taels que le

gouvernement chinois doit nous payer dans ces deux mois.

Le délai accordé au gouvernement chinois pour qu'il puisse répondre à la

note d'hier 25 devant se prolonger pendant les trois jours qui suivent la date

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Souvenirs du général Cousin de Montauban

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de notre dépêche, comprendra le 26, le 27 et le 28 de ce mois ; une réponse

devra donc nous être faite dans la journée du 29 et c'est à partir du

lendemain, 30 de ce mois, que les commandants en chef pourront prendre,

quand bon leur semblera et en raison des moyens dont ils disposent et des

plans qu'ils auront arrêtés d'un commun accord, telles mesures qui leur

paraîtront nécessaires pour frapper un coup décisif sur Pékin, pour s'y établir

s'ils le jugent utile, ou pour aller hiverner ensuite à Tien-Tsin, s'ils le croient

convenable à la sûreté et au bien-être de leurs troupes. Cette éventualité

suppose un refus de la part du gouvernement chinois et la nécessité dans

laquelle il nous placerait de lui infliger une leçon sévère.

Si au contraire, le gouvernement chinois cédait sur tous les points, les

armées alliées resteraient momentanément dans leurs campements actuels ou

dans les environs, si elles pouvaient s'y mieux établir, mais sans aller en

avant ; les ambassadeurs se rendraient à Toung-tchéou et à Pékin avec

l'escorte convenue, et, lorsque tout serait terminé dans cette ville, l'armée

pourrait se retirer à Tien-Tsin pour y prendre ses quartiers d'hiver, y rester

jusqu'au printemps, ou se rendre dans le Chang-tong à l'expiration des deux

mois accordés pour le paiement du million de taels, et cela en raison des

circonstances qui détermineraient les commandants en chef à p.292 tirer le

meilleur parti possible des choses, au moment où ils auraient à agir pour

sauvegarder les intérêts qui leur sont confiés.

Dès qu'une réponse me sera parvenue j'aurai l'honneur de la porter à votre

connaissance ; ma dépêche et celle de lord Elgin ont été remises ce matin à 8

heures au tao-taï de Toung-tchéou qui les a immédiatement expédiées à

Pékin.

Baron Gros.

Cette dépêche de notre ambassadeur me prouvait, une fois de plus,

sa confiance dans une solution pacifique, tandis qu'il me paraissait bien

démontré que l'impossibilité dans laquelle se trouvait le gouvernement

chinois de nous restituer nos malheureux compatriotes amènerait de

nouvelles complications.

Les ambassadeurs se plaisaient à considérer comme réalisables,

sous peu de jours, les désirs qu'ils avaient de voir l'action diplomatique

triompher de tous les obstacles. Je ne partageais nullement ces

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illusions, comme on a pu le voir par les dispositions que je prenais pour

marcher militairement sur Pékin, où je pensais que la paix pourrait

seulement avoir lieu par la crainte de voir la capitale livrée au pillage et

la dynastie expulsée.

La réponse du prince Kong ne se fit pas attendre, et le baron Gros

me la fit parvenir immédiatement ; elle était datée du 27 et conçue en

ces termes :

Le 27 septembre 1860.

Moi, prince Kong, membre de la famille impériale et haut commissaire,

j'adresse cette dépêche à Votre Excellence pour répondre à celle qu'elle m'a

écrite et dont j'ai parfaitement saisi le sens.

Si, précédemment, les affaires ont été mal conduites, je ne puis être

responsable, car je n'avais pas à m'en mêler.

Votre Excellence me dit, dans sa dépêche, que la dynastie court quelques

périls ; il eût été convenable de ne pas me tenir un pareil langage.

Votre Excellence fixe un délai de trois jours pour recevoir ma réponse ; mais

pourquoi les troupes de votre Noble Empire s'avancent-elles en colonnes ? Ce

n'est pas là le moyen de p.293 rétablir la paix et, au moment de la conclure, ne

serait-il pas déplorable de vous voir rompre toutes les négociations ?

Si vos troupes veulent réellement attaquer la capitale, nos soldats, qui sont

dans la ville avec leurs familles, se défendront jusqu'à la mort, et cette guerre

ne pourra pas être comparée aux précédentes. Nous avons aussi hors de la

ville, des milices nombreuses et redoutables, et quand vous attaquerez la ville

non seulement vos nationaux seront sacrifiés, mais votre armée coupée dans

sa retraite ne pourra l'effectuer peut-être que difficilement.

Quant aux individus de votre Noble Empire qui sont détenus dans Pékin, ils

ont été arrêtés par les commissaires précédents qui ont mal conduit les

affaires ; mais j'ai reçu de l'Empereur, toute l'autorisation nécessaire pour

traiter cette question, et ces individus n'ont pas été mis à mort. Nous ne

pouvons les rendre en ce moment, et, lorsque la convention aura été signée et

les ratifications du traité échangées, ils seront certainement mis en liberté ; et

alors votre Noble Empire verra, par mes actes, que je suis un homme dans

lequel on peut avoir toujours une pleine et entière confiance.

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Après la lecture de cette pièce, le doute ne me paraissait plus

possible ; la remise des prisonniers ne pouvait pas avoir lieu, et le

prince Kong acceptait la solidarité de l'acte odieux commis sur nos

parlementaires car il ne pouvait ignorer, en ce moment, que plusieurs

d'entre eux avaient été massacrés par les Chinois, après avoir subi de

cruelles tortures, pires que la mort !

Le baron Gros me paraissait avoir reçu de cette dépêche la même

impression défavorable qu'elle m'avait produite mais les ambassadeurs,

dans l'intérêt des prisonniers, pensaient qu'il ne fallait pas rompre les

relations. Je n'étais pas du même avis, et le général Grant craignait,

comme moi, que toutes les lenteurs diplomatiques ne cachassent, de la

part du gouvernement chinois, une nouvelle ruse pour gagner du temps

ou pour permettre à l'empereur de se retirer, avec ses trésors, dans la

Mongolie.

J'avais fait proposer aux ambassadeurs et aux généraux en chef de

se réunir pour une conférence qui me paraissait nécessitée par l'état

des choses ; mais cette proposition ne fut pas accueillie chaudement

par nos diplomates ; elle eut cependant lieu plus tard, le 30, après un

nouvel p.294 échange de dépêches, des 28 et 29. Voici-celle du baron

Gros au prince Kong :

Pa-li-kiao, 28 septembre 1860.

Le soussigné a reçu pendant la nuit la dépêche que S. A. I. le prince Kong

lui a fait l'honneur de lui écrire hier, etc. ; sans entrer dans des discussions

désormais inutiles, il veut lui répondre en peu de mots.

Son Altesse Impériale déclare au soussigné que, frère puîné de S. M.

l'Empereur, il a toujours été de bonne foi, qu'il n'a jamais trompé ni le ciel ni

les hommes, et que, par conséquent, le soussigné peut lui faire connaître sa

pensée tout entière.

Ces paroles sont bonnes et le soussigné les accepte dans l'espoir que Son

Altesse Impériale, comme elle le dit elle-même, prouvera par ses actes qu'on

peut avoir en elle une entière confiance.

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Le soussigné déclare donc à Son Altesse Impériale qu'il ne veut rien

demander au gouvernement chinois qui ne soit convenu dans les conventions

préparées à Tien-Tsin ou stipulé dans le traité de 1858, sauf seulement la

faculté pour les troupes françaises d'hiverner à Tien-Tsin, s'il le faut, puisque

c'est la faute du gouvernement chinois si, par sa déloyauté, il a causé des

retards qui rendront peut-être difficile le départ de l'armée avant l'hiver.

Si, après cette déclaration, Son Altesse Impériale veut signer le plus tôt

possible avec le soussigné la convention de paix dont il est question, après

avoir mis en liberté, avant le délai fixé, c'est-à-dire dans la journée du 29 de

ce mois, les sujets français et anglais arrêtés contre le droit des gens, aucune

menace ne sera faite contre la capitale de l'empire ; les troupes françaises

resteront campées où elles se trouveront ; le soussigné se rendra avec une

escorte à Pékin pour y procéder à l'échange des ratifications du traité de 1858,

et, cette formalité accomplie, les troupes se dirigeront vers Tien-Tsin.

Quant aux reconnaissances que les troupes ont faites vers Pékin, elles

n'ont rien que de parfaitement loyal. Son Altesse Impériale sait du reste que

les hostilités n'ont pas été suspendues depuis la prise des forts de Ta-kou,

qu'elles ne peuvent l'être que lorsque la paix aura été signée, et que ce n'est

que par bienveillance pour le gouvernement chinois et pour ne pas le perdre,

malgré sa conduite peu loyale envers nous, que la capitale n'a pas été

menacée jusqu'ici.

Le soussigné attend, dans le délai fixé, c'est-à-dire dans la journée de

demain, une réponse à cette importante communication ; il la fera connaître

immédiatement au commandant en p.295 chef des troupes françaises qui agira

en raison de ce qu'elle pourra contenir.

La paix est donc entre les mains de Son Altesse Impériale. Le soussigné

espère qu'il ne la laissera pas s'échapper.

Baron Gros.

La réponse à la lettre ci dessus ne se fit pas attendre, et le prince

Kong l'ayant reçue le 29, répondait le soir même ce qui suit :

Le 29 septembre 1860.

Kong, etc.. prince de la famille impériale et haut commissaire, etc. fait la

communication suivante :

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J'ai reçu le 29 septembre, à midi, la dépêche de Votre Excellence et j'en ai

parfaitement saisi le sens, notamment lorsque Votre Excellence assure qu'elle

n'ajoutera aucun article aux huit clauses convenues à Tien-Tsin ni à celles du

traité signé il y a deux ans. Votre Excellence demande ensuite que nous

signions et que nous scellions les huit articles déjà convenus.

Les troupes de votre Noble Empire sont si près de la capitale que nous

éprouvons quelques craintes l'un et l'autre, et qu'il nous est difficile de signer

une convention de paix ; je demande donc à Votre Excellence de faire retirer

vos troupes jusqu'à Tchang-kia-ouan et, dans un délai de trois jours, je ferai

transcrire clairement les articles de la convention, j'enverrai un délégué porter

cette copie dans un lieu intermédiaire entre Toung-tchéou et Tchang-kia-ouan

et dès qu'elle sera signée, nous conviendrons d'une seconde entrevue pour

consolider et perpétuer la paix.

Quant aux personnes détenues précédemment, elles n'ont pas été insultées

et sont traitées avec bienveillance, et, dès que vos troupes se seront retirées

et que le traité aura été signé, elles seront reconduites auprès de vous.

Pour moi, je vous ai fait connaître franchement, dans ma dernière dépêche,

quel homme j'étais. Je ne trompe personne et je ne manquerai jamais à ma

parole. Que Votre Excellence ait donc confiance en moi et ne conserve aucun

sentiment de défiance.

Cette dernière lettre du prince Kong confirmait évidemment le désir

que le gouvernement chinois avait de signer la paix avant la remise des

prisonniers, parce qu'il craignait que, si nous avions connaissance des

cruautés p.296 exercées sur ces malheureux, nous voulussions imposer

des conditions plus sévères.

L'un des buts que je m'étais proposés en envoyant une grande

reconnaissance vers Pékin était atteint : la crainte que témoignait le

prince Kong de voir des troupes si près de la capitale le prouvait

suffisamment.

Il devenait de toute nécessité de prendre un parti en présence du

refus du commissaire impérial d'accéder à nos propositions, et la

conférence, pour laquelle j'avais demandé réunion des ambassadeurs et

des généraux en chef, fut fixée au lendemain, 30 septembre. Tous les

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intéressés étant réunis, je pris la parole et j'exposai la situation de

l'armée.

Nos troupes étaient bien repesées, pleines d'ardeur et d'une

confiance extrême vis-à-vis d'un ennemi vaincu chaque fois qu'il avait

osé se présenter au combat, bien qu'en nombre dix fois supérieur. La

ville de Toung-tchéou venait de nous fournir, contre argent, un

approvisionnement de 300 bœufs ; d'autres vivres et des munitions de

guerre devaient nous arriver de Tien-Tsin sous un ou deux jours.

J'avais fait confectionner des vêtements en peau de mouton pour

l'approche des froids ; rien ne devait donc nous retenir à Pa-li-kiao dès

que le convoi de Tien-Tsin serait arrivé. J'ajoutai que je considérais la

correspondance diplomatique du prince Kong comme une nouvelle ruse

destinée à donner le temps au général San-ko-li-tsin, partisan de la

guerre à outrance, de réunir de nouvelles et de plus nombreuses forces

devant Pékin.

Enfin, j'établissais deux hypothèses : l'une par laquelle l'armée

tartare, voulant tenter un dernier coup de dés, chercherait à s'opposer

à notre marche sur Pékin ; la seconde que notre marche n'étant

entravée par aucun obstacle, nous arriverions sans coup férir devant

les murs mêmes de la ville. Le premier cas me semblait le plus

favorable, car, l'armée chinoise battue, il me paraissait impossible

qu'une victoire remportée aussi près de Pékin ne fût pas suivie de

l'acceptation immédiate de nos conditions. Le second cas présentait des

difficultés sérieuses, car il était à craindre que le siège d'une ville

entourée de murs de dix-sept mètres d'épaisseur ne traînât en

longueur, surtout avec un manque absolu de pièces de siège. Or, la

saison des froids rigoureux approchait, et tous les renseignements que

p.297 j'avais pris ne m'auraient pas permis de rester devant la ville audelà du 1er novembre. Une retraite sur Tien-Tsin eût été d'un effet

moral très fâcheux, et le gouvernement chinois n'aurait pas manqué de

lui attribuer des causes entièrement à son avantage.

Je concluai donc en demandant l'interruption des relations

diplomatiques et la remise des pouvoirs entre les mains des

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Souvenirs du général Cousin de Montauban

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commandants en chef, afin de pouvoir continuer les opérations

militaires sans perte de temps.

Les membres composant la conférence, le baron Gros, lord Elgin, le

général en chef anglais, sir Hope Grant, le colonel Fowley, commissaire

anglais, et le colonel Reboul, commissaire français, adoptèrent mon

avis, et, après quelques observations judicieuses du général Grant sur

des mesures militaires à prendre pour arriver au but que nous nous

proposions, les ambassadeurs furent invités à faire connaître au prince

Kong les dispositions arrêtées dans la conférence. Voici dans quels

termes le baron Gros s'acquitta de ce message :

Pa-li-kiao, 30 septembre 1860.

Le soussigné, etc., a reçu ce matin à huit heures la dépêche que S. A. I. le

prince Kong lui a fait l'honneur de lui écrire hier, pour lui adresser des propositions

inacceptables au lieu de profiter simplement, en cédant aux demandes modérées

et raisonnables du soussigné, de la meilleure occasion qui lui ait été offerte,

jusqu'à présent, de conclure promptement une paix honorable.

Son Altesse Impériale a été clairement prévenue, par la dernière dépêche

du soussigné, que si, dans la journée du 30 de ce mois les officiers français et

anglais détenus contre le droit des gens dans Pékin, n'étaient pas rentrés dans

leurs camps respectifs, les commandants en chef des troupes alliées auraient à

agir suivant les circonstances.

Les détenus français et anglais n'ayant pas été mis en liberté, les

commandants en chef ont été informés de ce fait, et ils prendront, dès qu'ils le

jugeront convenable, toutes les mesures qui leur paraîtront nécessaires pour

exiger, par force, du gouvernement chinois, ce que, malgré notre bonne volonté

et notre condescendance pour lui, il a été impossible d'obtenir à l'amiable.

p.298 Le 1er octobre je recevais du baron Gros la lettre suivante :

Pa-li-kiao, 1er octobre 1860.

Monsieur le général, j'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint une traduction

de la réponse que j'attendais du prince Kong et une copie de la lettre que j'ai

dû lui écrire hier. Vous verrez, par ces deux documents, que le gouvernement

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chinois nous oblige de nouveau à recourir aux mesures coercitives et que c'est

aux commandants en chef des forces alliées à agir selon les circonstances et

conformément au plan arrêté au quartier général français, dans la conférence

qui a eu lieu entre les deux ambassadeurs et les deux généraux en chef.

Si, au dernier moment, le prince, mieux inspiré, nous envoyait par les

détenus français et anglais qui se trouvent entre ses mains, l'acceptation pure

et simple de nos propositions, j'aurais l'honneur de vous en faire part

immédiatement ; mais je ne conserve, je l'avoue, aucun espoir à ce sujet.

Baron Gros.

Voici la traduction dont il est question dans la lettre que m'écrivait

notre ambassadeur :

Kong, prince de la famille impériale et haut commissaire, fait la

communication suivante :

Cette dépêche est écrite pour répondre à celle que j'ai reçue de Votre

Excellence ce matin à huit heures, et dont j'ai parfaitement compris le

contenu.

Quant à la mise en liberté de vos compatriotes, je vous ai déjà dit que la

paix n'étant pas encore signée, ce ne serait pas avoir pour eux toute la

considération qu'ils méritent que de vous les renvoyer tout de suite. Pour ce

qui est du traité conclu il y a deux ans et à la convention négociée à Tien-Tsin,

j'y ai donné mon approbation la plus complète, et je ne comprends pas que

vous puissiez dire que je me refuse à accéder à vos demandes. Il est probable

que Votre Excellence n'aura pas lu bien attentivement les dernières dépêches

que je lui ai adressées ou que les interprètes de Votre Excellence ne les auront

pas traduites exactement.

Si votre Noble Empire emploie la force des armes pour nous contraindre à

céder, non seulement nous aurons à regretter une paix déjà conclue, mais je

craindrais que vos nationaux, en ce moment dans la capitale, ne puissent être

suffisamment protégés.

Cependant, comme le consul anglais Parkes est connu depuis p.299

longtemps par son habileté à parler et à écrire le chinois, je vais nommer un

délégué pour s'entendre avec lui, afin qu'ils règlent ensemble tout ce qui sera

relatif à une entrevue avec les deux représentants de la France et de

l'Angleterre et à la signature de la convention

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